Des cars et des camions chargés de haut-parleurs, de drapeaux, de plateformes et de cuivres. Des jeunes qui s’épuisent au soleil pour perfectionner des mouvements qui ne dureront qu’une dizaine de minutes à la fin. Des bénévoles qui donnent de l’argent et surtout du temps pour nourrir ces jeunes et faire en sorte que leurs rêves puissent peut-être se réaliser. Tous les étés aux Etats-Unis, à travers tout le pays, cela se répète. C’est drum corps, une activité méconnue des étrangers qui est oh so American.
J’utiliserai le mot américain drum corps dans cet article. La traduction en français n’est vraiment pas appropriée car cela porterait à confusion. Le mot le plus proche serait « fanfare », mais je ne l’emploierai pas car j’aurais peur que vous confondiez les drum corps avec les petites petites fanfares du Nord de la France, ou les grandes fanfares (marching bands) des universités américaines. Non, le drum corps n’est pas une fanfare classique !
C’est quoi ce drum corps alors ? Il s’agit d’une activité estivale qui trouve ses racines dans les années 1960 dans des associations et des églises. Celles-ci organisaient et sponsorisaient des petits groupes de musique de cuivres et de percussions qui s’affrontaient régulièrement. Il y avait alors un côté très militaire (des uniformes, des porte-drapeaux, des manœuvres militaires et même des porteurs d’armes, des fusils notamment). Depuis, l’activité a beaucoup évolué et s’est organisée dans ce que l’on pourrait appeler une « ligue», la DCI :Drum Corps International. Cette organisation établit des règles et organise des événements à travers les Etats-Unis. Les compétitions commencent mi-juin et se terminent au Finals mi-août qui sont diffusés par la chaîne de sport américaine ESPN et en direct dans des centaines de ciné
Aujourd’hui, les drum corps produisent un spectacle artistique incroyable combinant musique, danse et chorégraphie avec jusqu’à 150 membres par équipe. Alors, qui sont ces membres ? Déjà il y a plusieurs parties dans un corps. Il y a les cuivres ou brass line (pas de bois) et les percussions correspondant au drum line qui marchent sur le terrain . Il y a également des percussions qui restent devant le terrain, le pit (xylophones, claviers, guitare). Finalement, il y a la color guard qui porte les drapeaux, des fusils (en bois de nos jours), des sabres et qui danse. DCI limite l’âge des participants donc ce sont des jeunes qui ont entre 16 et 21 ans. La majorité des membres sont des étudiants entre 18 et 21 ans. Ils auditionnent et paient pour avoir le droit de participer. Oui, ils paient en moyenne $3000. Souvent, afin de payer les frais de participation, ces jeunes travaillent toute l’année et se serrent la ceinture pour avoir la possibilité de faire partie d’un drum corps. Comme vous avez pu le remarquer, j’ai un regard de passionné sur cette activité même si je n’y ai jamais participé (chose que je regrette beaucoup) mais j’étais membre de la fanfare d’Ohio State University (la meilleure du pays…really!) et j’ai plusieurs amis qui ont fait DCI.
Ces groupes passent leur été à sillonner le pays en car, à dormir par terre dans les gymnases et à répéter toute la journée, au soleil ou sous la pluie. Par exemple, Phantom Regiment, un corps de la région de Chicago part en juin vers la côte est, remonte vers le Minnesota, descend dans le sud en Arkansas, remonte dans le Midwest dans l’Iowa pour retourner sur la côte est avant de retrouver Indianapolis pour les Finals. Les corps sont toujours sur la route. Quand les membres ne dorment pas dans le car, ils sont hébergés dans les gymnases des lycées où ils s’entraînent car cela permet de diminuer les coûts. Vous voyez qu’il faut être passionné, presque fou, pour faire du drum corps.
Bien que DCI fixe les règles de base, chaque corps a ses propres codes concernant ses membres, son style, sa musique. Par exemple, il y a deux corps, les Madison Scouts et les Cavaliers, qui, par tradition, ont toujours été 100% masculins. Pas de filles. Pas une seule ! Il y en a d’autres qui n’acceptent que des filles pour leurs color guards. Certains corps se limitent à un seul type de musique. Par exemple, les Blue Devils sont des spécialistes de jazz, le répertoire de Phantom Regiment vient toujours de la musique classique, les Cavaliers préfèrent souvent des compositions originales et d’autres puisent dans la musique populaire et les comédies musicales. Toutes ces différences, sans parler des styles de marche et des uniformes, donnent à chaque corps une personnalité, certaines plus fortes et facile à reconnaître que d’autres.
Parlons un petit peu du show. Chaque corps présente un nouveau spectacle tous les étés. La musique et la longueur (8 à 12 minutes) sont fixées très tôt dans la saison, mais les mouvements peuvent varier et évoluer au fur et à mesure que l’été avance. Les corps travaillent sans cesse à parfaire leur spectacle. Les shows racontent très souvent une histoire ou tourne autour d’un thème, comme celui de Phantom Regiment cet été qui s’appelle « Triumphant Journey: l’histoire de la transformation d’une jeune innocente à travers ses expériences bouleversantes » ou bien le thème du spectacle 2013 des Cavaliers: les sociétés secrètes.
Je ne vous présenterai pas chaque corps, ni leurs meilleurs shows dans l’histoire du drum corps. Croyez-moi, il vaut mieux que je ne me lance pas dans ce genre d’activité, sinon, l’article risque d’être sans fin. Je vous dirai quand même lesquels des corps sont mes préférés : les Cavaliers, Santa Clara Vanguard, Phantom Regiment, Cadets et récemment Carolina Crown. D’autres sont très, très bons mais ceux que je vous cite sont les corps qui, année après année, me font régulièrement plaisir, que ce soit par leur musique ou leur type de spectacle.
Si vous aimez la musique, si vous aimez la danse, si vous aimez un beau spectacle, vous ne pouvez qu’apprécier le drum corps. Il n’y a rien de tel. En live, c’est comme si vous vous preniez un mur de son. Vraiment. On le sent. Ça donne des frissons et peut même vous faire monter des larmes aux yeux. Si vous devez vous contenter des vidéos sur YouTube, regardez quand même, mais mettez le son à fond ! Vraiment à fond ! C’est la seule façon d’écouter le drum corps. Si jamais vous avez l’occasion de voir une compétition, foncez ! Vous ne serez pas déçu.